Anarchisme chrétien

L'anarchisme chrétien est l'équivalent social de l'anarchisme tel que fréquemment défini, mais avec des justifications spirituelles, et/ou couplées de spiritualité.



Catégories :

Anarchisme chrétien - Anarchisme par courant - Anarchisme - Christianisme et société

Alphaomega.gif

L'anarchisme chrétien est l'équivalent social de l'anarchisme tel que fréquemment défini, mais avec des justifications spirituelles, et/ou couplées de spiritualité.

Il se base sur les enseignements de Jésus-Christ, pris tels quels et appliqués dans leur dimension critique vis-à-vis de l'organisation sociale et basés sur la liberté des êtres humains.

L'anarchisme chrétien se fonde, d'un point de vue social, sur la «révolution personnelle» par le changement de chaque individu et l'application des principes anarchistes (et chrétiens) dans le présent, et non dans l'attente d'un «Grand Soir». D'un point de vue religieux, il se fonde sur une relation essentiellement directe et personnelle avec Dieu. Certains conçoivent aussi ceci comme la recherche de "l'Évangile intégral"; vécu spirituellement mais également socialement.

L'anarchisme chrétien prétend formuler et problématiser la majorité des questionnements inhérents aux premières sociétés chrétiennes, en référant quelquefois jusqu'à l'expérience des communautés esséniennes pour justifier de ses options spirituelles et politiques.

La prégnance de l'éthique de la relation à l'autre dans les évangiles, qu'ils soient canoniques ou gnostiques, semble induire une vision de la collectivité comme organisme spirituel dont la société contemporaine ne traduit guère les plus simples impératifs. L'exemple de la propriété privée, ce droit essentiel sur lequel repose l'édifice de l'ensemble des sociétés modernes, témoigne à lui seul de la remise en cause drastique de la civilisation classique par une éthique chrétienne se faisant radicale.

Histoire

La vie et la prédication de Jésus de Nazareth

Inscrites dans la tradition multiséculaire du judaïsme, la prédication du Christ et sa relation par les évangiles officiels et ceux apocryphes ou gnostiques se donne à bien des titres comme une synthèse à tendance midrashique du contenu des textes de l'ancien testament, tels qu'interprétés dans une perspective principalement spiritualiste. Exemplifiant jusqu'à la mise-à-mort l'impératif de l'amour du prochain, Jésus de Nazareth se présente comme le Messie attendu sans remplir la condition principale supposée par ce titre, soit d'être couronné Roi d'Israël. Aussi son prêche se fonde-t-il sur l'idée fondatrice que "[Son] Royaume n'est pas de ce monde", tout autant que "le Royaume est en vous et en-dehors de vous".

Ces deux principes, beaucoup thématisés ultérieurement par des théoriciens de l'anarchisme chrétien tel Léon Tolstoï, déplacent effectivement la question du messianisme comme horizon politique du peuple d'Israël vers une royauté spirituelle qui échoit à tout individu reconnaissant le Christ comme messie annoncé - reprenant à cet égard le principe d'une "Nation de Prêtres" que Moïse pose comme fondation du peuple juif comme tel, soit au terme de l'Exode. Jésus parachève jusqu'à la rendre universelle la vocation juive de vivre selon le commandement divin. Or ce commandement se résume selon Jésus au commandement dit de la règle d'or "Aime ton prochain comme toi-même".

Au plan plus directement social, le Christ insiste sur l'obligation d'un retournement du rapport à l'autre, en transfigurant l'instinct de domination en éthique du service : servir autrui c'est s'élever, dominer l'autre c'est s'abaisser. Or le paradigme du service ne tient principalement qu'à la condition d'une morale de l'égalité absolue sans laquelle le serviteur se changera en esclave. Aussi le Christ insiste-t-il sur l'obligation de l'horizontalité absolue des perspectives morales : "Vous n'appellerez personne Père, car votre Père est aux cieux" - commandement radical qui tranche avec l'usage en pratique dans la hiérarchie catholique.

La communauté des biens dans les actes des apôtres

Les Actes des Apôtres, classiquement présentés comme le témoignage direct de l'organisation essentielle des disciples du Christ, établissent clairement les règles d'une propriété collective qui correspond à un socialisme de fait. Le travail comme l'argent étaient distribués équitablement entre les membres.

L'Église primitive

Les premiers temps de l'Église chrétienne de Jérusalem réunie autour de la figure de Jacques semble avoir partagé la majorité des règles en vigueur dans la communauté de Qumran, comme en témoignent les manuscrits de la mer morte qui font état de la vie et de l'organisation d'une communauté essénienne quelquefois rapprochée de la communauté des nazoréens.

La mise en commun des ressources, en termes de travail comme de rétribution directe, permettait une communauté fusionnelle des personnes au plan spirituel rythmée par la prière quotidienne et les différents rites.

Les Églises/Théologie

Dans un premier temps, la Bible rapporte des expériences vécues par les premiers chrétiens où «il n'y avait ni pauvre ni riche» et où «tous étaient égaux en tout point», pouvant faire penser à une application sociale de l'anarchisme; surtout dans le fonctionnement communautaire perceptible dans les Actes des apôtres, type d'Évangile socialement vécu. Plus tard, la Règle de Saint Benoît de Nursie peut être reconnue comme une version rédigée d'un type d'idée anarchiste appliquée au christianisme. Le mode de vie de la communauté monastique d'origine pourrait d'ailleurs facilement s'encadrer dans plusieurs courants anarchistes contemporains. Richard de Saint-Victor (1173) développe une théologie trinitaire anarchiste : il n'y a pas de monarchie dans la Trinité, mais une communion d'amour fondée en anarchie. L'homme étant créé selon l'image de Dieu il est en outre nommé à vivre de la même manière, soit de façon autonome et créatrice.

Le développement tardif des Églises et l'avènement de la Réforme – même si celle-ci n'est pas en lien direct avec l'anarchisme – promeut l'idée que le croyant doit avoir une relation directe avec Dieu, ainsi qu'une volonté de mise en pratique des principes chrétiens en évitant la «bigoterie». La communauté protestante anabaptiste était quant à elle perçue comme anarchiste durant le XVe siècle en Allemagne - certains de ses membres vivaient en communautés autonomes et de manière détachée du gouvernement. Plusieurs des Églises issues de l'anabaptisme (mennonitisme, quakerisme, fraternisme, le baptisme des XVIe et XVIIe siècles), mais également d'autres courants plus importants du protestantisme (le méthodisme à certains égards (études bibliques, diaconie), les Églises strictement congrégationalistes, et surtout certaines Églises piétistes) peuvent être reconnues comme ayant fait perdurer jusqu'à actuellement un certain anarchisme dans la pratique de la foi.

L'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours a, quant à elle , suivi durant quelques années la «Loi de Consécration», qui consistait en un partage équitable des richesses mais aussi du travail, selon les besoins et possibilités de chacun, ce qui reste d'ailleurs un de ses objectifs théoriques.

Les actuelles communautés Amish de Pennsylvanie ressemblent par bien des côtés à des communautés anarchistes : refus des contacts avec l'État, libre choix d'adhérer ou non au mode de vie, prise de décision en commun. Cependant, l'égalité des sexes n'est pas réalisée dans ces communautés, et elles obéissent à une morale assez stricte et conventionnelle.

Penseurs

Différentes personnes ont pensé et rédigé sur l'anarchisme chrétien ; nombre d'écrits étaient des revues locales dont il est complexe d'avoir trace ou de récupérer les textes, mais certains penseurs ont dédié partie de leur vie à cette théorie (fréquemment perçue comme obligatoirement doublée de pratique) soit directement soit par des études des aspects subversifs et opposés à tout ordre établi des Évangiles.

Ces mêmes penseurs ont le plus souvent aussi travaillé sur ce qui est désormais appelé écologie politique mais aussi sur une certaine critique de la technique et de l'aliénation liée au progrès de celle-ci comme c'est le cas pour Ivan Illich, prêtre catholique, et Jacques Ellul, théologien protestant. Ammon Hennacy quant à lui a plutôt essayé d'articuler sa pensée autour d'actions concrètes pour aller vers une terre juste. Le scientifique français Théodore Monod s'est aussi reconnu dans l'anarchisme chrétien[1].

Quoiqu'il ne se revendique pas clairement anarchiste, Jean Cardonnel, auteur surtout de Dieu est mort en Jesus Christ et de Fidèle Rebelle défend la thèse selon laquelle l'homme devrait assumer son incarnation en s'implicant dans les luttes justes de son temps, comme le combat révolutionnaire; à l'image du bon samaritain.

Léon Tolstoï

Léon Tolstoï était un écrivain chrétien russe, réputé pour avoir rédigé des principes anarchistes, auxquels il est venu par sa foi. Il ne se disait d'ailleurs pas anarchiste. Voir surtout ses livres Le royaume de Dieu est en Vous mais aussi Le Père Serge, où il expose une philosophie assez comparable à celle de Bakounine avec une critique de l'État, du capitalisme, de l'exploitation, ainsi qu'une dénonciation du clergé et de l'hypocrisie de l'Église catholique et orthodoxe. Il exprime aussi son désir d'une société fondée sur des principes non violents et a tenté d'appliquer ses principes à sa vie. Il partagea sa vieillesse entre l'agriculture et l'éducation d'autrui de manière complètement autonome de l'État ou de l'économie, ce qui était pour lui le rattachement à une sorte d'idéal.

Teilhard de Chardin

La figure de Pierre Teilhard de Chardin, si elle cadre difficilement à première vue avec la question de l'anarchisme, finit par la rejoindre via le détour de la réflexion du père jésuite autour du point Oméga comme aboutissement historique d'une civilisation dont nous serions déjà partie prenante. À partir d'une description de la noosphère comme couche évolutive succédant à l'échelle de l'évolution à l'étape de la biosphère dont l'homme participe, Teilhard de Chardin pose que l'humanité se trouve au seuil d'un saut évolutif que le Christ annonce comme le régne imminent d'une conscience collective à travers la diffusion du Paraclet, ou Esprit-Saint au sens primitivement catholique du terme. La noosphère procédant à terme de la coalescence spirituelle des centres que forment les psychés individuelles, sa résolution politique, sans qu'elle soit totalement formalisée comme telle par Teilhard, relève in fine d'une organisation rhizomatique dénuée de tout principe hiérarchique autre que le point Oméga, lequel se révèle présent comme tel dans l'ensemble des centres constitutifs du réseau dans son ensemble.

Emmanuel Mounier

Emmanuel Mounier est un penseur, éditeur et écrivain français primitivement issu des mouvements dits non-conformistes des années trente. Fondateur de la revue Esprit, son pragmatisme philosophique s'efforce de placer l'homme au centre de tout référentiel social et politique. Combattant autant le libéralisme de type capitaliste que l'autoritarisme collectiviste propre au fascismes comme au communisme de type stalinien ou "autoritaire", Mounier développe un humanisme inspiré du symbole chrétien qui emprunte certaines options politiques et sociales aux mouvements catholiques de gauche déjà existant. Bien que s'étant rapproché un temps du régime de Vichy, il s'y opposera radicalement dès 1941 en rejoignant la Résistance dans laquelle il s'engagera activement. Il continuera après la guerre à promouvoir avec optimisme un humanisme de gauche proche par ses préoccupations des questionnements à l'œuvre dans la pensée anarcho-libertaire dans ses tendances les plus christiques.

Jacques Ellul

Jacques Ellul était un juriste qui présenta sa thèse de doctorat en droit (non sociologue et historien) et théologien (non plus, il a toujours réfuté cette qualité, cf La raison d'être : méditation sur l'ecclésiaste, Paris : Seuil 1987) français, connu surtout pour son analyse critique de la «société technicienne» qui, selon lui, prétendait être d'un autre domaine que la morale, mais créait par là une autre morale, basée sur le progrès technologique et la productivité. Important membre de l'Église réformée de France, il se considérait et se revendiquait aussi comme anarchiste et a, entre autres, rédigé les ouvrages appelés Anarchie et christianisme, Lyon : Atelier de Création Libertaire, 1988 dans lequel il porte une analyse de la pensée chrétienne et de la pensée anarchiste, qu'il met en parallèle et La Subversion du christianisme, Paris : Seuil, 1984 où il étudie la dérive du christianisme d'"anti-morale" proche de l'anarchisme à ce qu'il en reste, du moins pour la majorité des gens : les institutions qui s'en réclament.

Ivan Illich

Notes et références

  1. Théodore Monod, Terre et ciel, Actes Sud, coll. «Babel», 1997, p. 293.

Liens Web

Francophones

Anglophones

Recherche sur Google Images :



"Anarchisme chrétien"

L'image ci-contre est extraite du site fr.wikipedia.org

Il est possible que cette image soit réduite par rapport à l'originale. Elle est peut-être protégée par des droits d'auteur.

Voir l'image en taille réelle (290 x 391 - 8 ko - gif)

Refaire la recherche sur Google Images

Recherche sur Amazone (livres) :




Ce texte est issu de l'encyclopédie Wikipedia. Vous pouvez consulter sa version originale dans cette encyclopédie à l'adresse http://fr.wikipedia.org/wiki/Anarchisme_chr%C3%A9tien.
Voir la liste des contributeurs.
La version présentée ici à été extraite depuis cette source le 10/12/2009.
Ce texte est disponible sous les termes de la licence de documentation libre GNU (GFDL).
La liste des définitions proposées en tête de page est une sélection parmi les résultats obtenus à l'aide de la commande "define:" de Google.
Cette page fait partie du projet Wikibis.
Accueil Recherche Aller au contenuDébut page
ContactContact ImprimerImprimer liens d'évitement et raccourcis clavierAccessibilité
Aller au menu