Georg Wilhelm Friedrich Hegel

Georg Wilhelm Friedrich Hegel est un philosophe allemand. Son œuvre, postérieure à celle de Kant, est l'une des plus représentatives de l'Idéalisme allemand et a eu une influence décisive sur la totalité de la philosophie contemporaine.



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G. W. F. Hegel
Philosophe allemand
Époque Moderne
Portrait de Hegel par Schlesinger (1831)
Portrait de Hegel par Schlesinger (1831)
Naissance : 27 août 1770 (Stuttgart)
Décès : 14 novembre 1831 (Berlin)
École/tradition : Idéalisme allemand
Principaux intérêts : Métaphysique, Science, Histoire, Esthétique, Politique
Idées remarquables : Art, Dialectique, Idéalisme, Phénoménologie, Savoir absolu, Dispositif
Œuvres principales : Phénoménologie de l'esprit, Encyclopédie, Principes de la philosophie du droit, Esthétique
Influencé par : Platon, Aristote, Luther, Descartes, Spinoza, Rousseau, Kant, Gœthe, Schiller, Fichte, Hölderlin, Schelling
A influencé : Adorno, Barth, Bauer, André Breton, Judith Butler, Victor Cousin, Guy Debord, Deleuze, Derrida, Dilthey, Feuerbach, Gadamer, Habermas, Heidegger, Kierkegaard, Kojève, Küng, Lénine, Lyotard, Marx, Merleau-Ponty, Sartre, Stirner, Strauss, Žižek

Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831) est un philosophe allemand. Son œuvre, postérieure à celle de Kant, est l'une des plus représentatives de l'Idéalisme allemand et a eu une influence décisive sur la totalité de la philosophie contemporaine.

Hegel enseigne la philosophie sous la forme d'un dispositif de l'ensemble des savoirs suivant une logique dialectique. Le dispositif est présenté comme une «phénoménologie de l'esprit» puis comme une «encyclopédie des sciences philosophiques», titres de deux de ses ouvrages, et englobe la totalité des domaines philosophiques, dont la métaphysique et l'ontologie, la philosophie de l'art et de la religion, la philosophie de l'histoire, la philosophie morale et politique ou la philosophie du droit. Hegel produit une synthèse audacieuse de la totalité de la philosophie présente et passée .

Biographie

Maison natale de Hegel à Stuttgart (Eberhardstrasse 53) en 2006

Stuttgart 1770-1788

Georg Wilhelm Friedrich Hegel naît à Stuttgart le 27 août 1770 dans une famille protestante. Son père Georg Ludwig Hegel (1733-1799) est fonctionnaire à la Cour des comptes du duc de Wurtemberg. Sa mère Maria Magdelena Fromm (1741-1783) est issue d'une famille cultivée de juristes et participe à la première formation intellectuelle de son fils avant de mourir prématurément. Sa sœur Christiane enseignera plus tard le français à Stuttgart et sera internée dans un asile psychiatrique. Son jeune frère Ludwig périra comme capitaine dans l'armée napoléonienne au cours de la campagne de Russie[1].

Wilhelm fait ses études au gymnasium de sa ville natale, où il est un écolier modèle. Sa sœur rapporte qu'il savait sa première déclinaison latine dès l'âge de cinq ans et que son précepteur lui offrit une édition des drames de Shakespeare pour ses huit ans. A l'âge de dix ans, son père lui fit apprendre la géométrie et l'astronomie. Les tragédies grecques étaient sa lecture favorite. Il s'intéressait aussi à la botanique ainsi qu'à la physique[2].

Hegel lui-même se souvient avoir appris à l'âge d'onze ans les définitions de Christian Wolff mais aussi les figures et règles du syllogisme, soit les bases de la logique, savoir qui forme pour Jacques Derrida un argument dans les polémiques concernant l'âge approprié pour un enseignement philosophique[3].

Sa formation à Stuttgart est inspirée par les principes des Lumières et a pour contenu les textes classiques de l'Antiquité. Hegel éprouve une prédilection pour le grec. Il traduit le traité Sur le sublime de Longin, le Manuel d'Epictète et l'Antigone de Sophocle. Il rédige de nombreuses notes de lecture concernant la littérature, l'esthétique, la physiognomonie, les mathématiques, la physique (théorie des couleurs), la psychologie, la pédagogie, la théologie et la philosophie. Il calligraphie particulièrement bien le français dans ses notes sur Rousseau[4].

Tübingen 1788-1793

Vue de Tübingen et du Stift, le séminaire de théologie évangélique de l'université où étudia Hegel (2007)

Hegel se destine à la théologie et entre à l'âge de dix-huit ans au séminaire de Tübingen (appelé Stift) pour entreprendre ses études universitaires. Il étudie la philologie, l'histoire, la philosophie, la physique et les mathématiques. En 1788, il rédige un article Sur les avantages que nous procure la lecture des anciens écrivains grecs et romains classiques. Il obtient sa maîtrise de philosophie en 1790 avec un mémoire sur le problème moral des devoirs, dans lequel il oppose au dualisme kantien l'unité de la raison et de la sensibilité[5].

Puis, il s'inscrit à la faculté de théologie. Il suit des cours sur l'histoire des apôtres, les psaumes et les Epîtres , sur le philosophe stoïcien Cicéron, sur l'histoire de la philosophie, sur la métaphysique et la théologie naturelle et décide en outre de s'inscrire à des cours d'anatomie[6]. La majeure partie de l'enseignement consiste dans un apprentissage de la dogmatique chrétienne, qui provoque chez Hegel un écœurement manifeste dans ses rédigés postérieurs [7]. Une mauvaise santé le conduit aussi à retourner assez fréquemment à Stuttgart pendant cette période.

Au cours de la Révolution française Hegel aurait planté avec Hölderlin et Schelling un arbre de la liberté (aquarelle de Gœthe).

Hegel fait au séminaire la connaissance du poète Hölderlin et du philosophe Schelling, dont il partage la chambre. Tous trois discutent de Platon, de Kant et de Spinoza. Ils éprouvent une grande passion pour la Grèce antique et s'enthousiasment pour la Révolution française. Ils auraient alors planté un arbre de la liberté dans une prairie proche de Tübingen[8]. Hegel se fait l'orateur des idées de liberté et d'égalité. On lit les journaux français, on chante la Marseillaise, un club politique est fondé au séminaire où étudient des Montbéliardais républicains[9]. Dans l'album de Hegel figurent des inscription comme «Vive la liberté!!» ou «Vive Jean-Jacques, l'auteur du Contrat social passant alors pour son héros[10]. Hölderlin inscrit un vers de Gœthe avec la formule grecque «hen kai pan» («l'un et le tout») qui est le symbole du panthéisme[11].

Hegel est demeuré sa vie durant attaché au souvenir de la Révolution de 1789. Il dira, dans ses cours de Berlin sur la philosophie de l'histoire qu'elle fut un «magnifique lever de soleil» : «tous les êtres pensants ont célébré ensemble cette époque. Une émotion sublime a dominé en ce temps-là, un enthousiasme pour l'esprit a parcouru le monde comme si une réconciliation réelle avec le divin était advenue»[12][réf.  incomplète].

Hegel choisit de devenir non pas pasteur, ce à quoi le disposait sa formation théologique, mais plutôt précepteur. Il accepte une offre qui lui est faite d'une telle position à Berne à l'été 1793.

Il achève ses études à Tübingen en septembre en présentant un mémoire de théologie neutre sur l'histoire de l'Eglise du Wurtemberg. De cette année date néenmoins un rédigé sur la philosophie de la religion de Kant, où Hegel critique autant la position de la dogmatique chrétienne que celle des Lumières, lesquelles "rendent plus intelligent mais non pas meilleur". Le texte nommé Fragment de Tübingen pose la question d'une nouvelle "religion populaire" qui soit en même temps une religion rationnelle. [13]

Berne 1793-1797

La Junkergasse à Berne (en 2005) où habitait la famille Steiger et où Hegel fut précepteur

Hegel occupe une fonction de précepteur en Suisse dans la famille du capitaine Karl Friedrich von Steiger (1754-1841), membre du Conseil souverain de Berne et représentant de l'aristocratie alors au pouvoir dans ce canton. L'hiver se passe en ville (Junkerngasse 51) et l'été à la campagne, à Tschugg, non loin du pays de Vaud. Hegel est chargé de l'éducation de deux garçons de six et de huit ans. Il fait l'expérience de la servitude étant donné que sa position est celle d'un valet[14]. Mais il lui reste du temps pour des lectures et des travaux d'autant que la famille Steiger possède une importante bibliothèque[15].

Hegel étudie les derniers développements que prend la philosophie dans les publications de Kant, Fichte, Schiller et de Schelling. Il en attend une révolution en Allemagne et il rédigé en ce sens à Schelling :

«Je crois qu'aucun signe des temps n'est meilleur que ce dernier : c'est que l'humanité est représentée comme si digne d'estime en elle-même; c'est une preuve que le nimbe qui entourait les têtes des oppresseurs et des dieux de la terre disparaît. Les philosophes démontrent cette dignité, les peuples apprendront à la sentir; et ils ne se contenteront pas d'exiger leurs droits abaissés dans la poussière, mais ils les reprendront - ils se les approprieront[16]

Les manuscrits de Hegel rattachés à cette époque témoignent en particulier d'une réflexion critique sur la religion chrétienne. L'un des deux a été publié sous le titre La vie de Jésus : Jésus est celui qui enseigne la vertu au sens kantien abstraction faite de tout miracle et de toute résurrection.

En juillet 1796, Hegel entreprend avec d'autres précepteurs de Berne un voyage dans les Alpes bernoises et en fait la relation dans un journal. Il n'est pas ému par le spectacle de la nature sauvage et gigantesque qu'il fait la connaissance de si ce n'est par les chutes d'eau. Il oppose à la nature les activités des hommes.

La première publication de Hegel concernera d'ailleurs la situation politique des habitants du pays de Vaud qui se révoltent en 1797 contre la domination du gouvernement de Berne avec l'appui de la France. Hegel traduit et commente en allemand en 1798 sous couvert d'anonymat les Lettres confidentielles sur le rapport juridique du pays de Vaud à la ville de Berne de l'avocat révolutionnaire Jean-Jacques Cart parues à Paris en 1793[17]. (La paternité de cette traduction subversive éditée à l'époque de Francfort ne sera établie qu'en 1909. ) La position de Hegel à l'égard de la Révolution française est celle des Girondins et il condamne en ce sens les actions des Robespierristes.

Au cours de la période passée en Suisse, il rédigé se sentir isolé de ses amis et de la scène littéraire. Il continue néanmoins de correspondre avec Hölderlin et ce dernier lui trouve un emploi de précepteur à Francfort-sur-le-Main en 1796. Avant de rejoindre son ami, Hegel lui adresse un long poème intitulé Eleusis. Il passe la fin de l'année 1796 à Stuttgart.

Francfort 1797-1800

Le Rossmarkt à Francfort (en 2008) où Hegel fut précepteur

En 1797, Hegel prend la charge de précepteur à Francfort-sur-le-Main dans la famille du négociant en vin Johann Noë Gogel (sur le Rossmarkt) alors que Hölderlin exerce la même fonction dans la famille Gontard. Le lien amical avec Hölderlin se renforce; Hegel participe à son projet de tragédie Sur la mort d'Empédocle et il est tenté lui-même par la poésie[18]. Il est aussi en relation avec un ami commun, le philosophe poète fichtéen et révolutionnaire Isaac von Sinclair   (de) .

De cette époque daterait le fragment anonyme connu sous le nom du Plus ancien programme de dispositif de l'idéalisme allemand rédigé par Hegel mais qu'on a attribué aussi à Schelling, ou alors à Hölderlin[19]. Un dispositif commun est esquissé qui suppose la disparition de l'Etat et culmine dans l'idée de la beauté entendu dans un sens platonicien, soit une première formulation du dispositif sous forme esthétique[20].

Hegel développe une critique de la raison et de la philosophie qui est le ferment de la dialectique. Il semble traverser alors une "crise d'hypocondrie"[21] qui trouve son expression philosophique dans l'impossibilité de retrouver l'harmonie de la "belle totalité grecque" dans la civilisation européenne moderne[22]. La solution est trouvée une "réconciliation avec le temps" soit avec le réel historique.

Friedrich Hölderlin

Hegel rédige en 1798 un ouvrage dédié aux patriotes Sur la situation récente du Wurtemberg, où il défend l'élection des magistrats par le peuple. Il suppose que «l'image de temps meilleurs est parvenue à l'âme des hommes» et que seul l'aveuglement peut laisser croire que puisse subsister des «institutions que l'esprit a abandonnées» . La tournure des événements politiques en France le dissuade de publier ce livre.

En 1799, Hegel rédige un commentaire (aujourd'hui perdu) des théories économiques de James Denham-Steuart (1712-1780). Pour le marxiste Georg Lukacs, Hegel est celui qui a la conscience la plus juste de son époque . Son analyse de la société industrielle anglaise lui aurait permis de sortir des idéaux révolutionnaires dans lesquels il se serait égaré et l'aurait conduit sur la voie de la dialectique[23][réf.  incomplète].

Hegel poursuit sa critique de la religion sur un mode historique dans des textes publiés au début du XXe siècle sous le titre Le christianisme et son destin, dont les concepts centraux sont la vie et l'amour. Il est aussi question aussi du judaïsme dans son rapport au christianisme ainsi qu'à l'hellénisme. Selon W. Dilthey, Hegel n'a «rien rédigé qui plus est beau» [24].

Après la mort de son père, en janvier 1799, Hegel retourne à Stuttgart et dispose d'un héritage qui lui permet l'indépendance. Il décide de devenir privat-dozent (assistant-professeur) dans une université. Il rédigé à Schelling en 1800 que sa formation scientifique l'a conduit à donner à son parfait de jeunesse la forme réflexive d'un dispositif, qu'il se pose désormais la question d'un retour à la vie humaine et se tourne vers lui pour cette raison[25].

Iéna 1801-1807

Friedrich Wilhelm Schelling vers 1800

Hegel débute sa carrière universitaire en devenant privatdozent à l'université d'Iéna en 1801. Il soutient son habilitation avec une thèse latine sur Les orbites des planètes (De orbitis planetarum) le 27 août 1801. Cette étude du dispositif solaire doit illustrer la nouvelle physique spéculative (alors défendue par Schelling et Gœthe) en rompant avec la mécanique de Newton[26].

Hegel se fait connaître aussi en écrivant la Différence entre les dispositifs de Fichte et de Schelling, où il défend ce dernier. Assistant de Schelling à l'Université d'Iéna, Hegel suit alors la pensée de son maître, dont il partage le logement. Ils fondent ensemble le Journal critique de philosophie (1802-1803) qui prend fin avec le départ de Schelling pour Würzburg en 1803. Mais l'époque de Iéna est aussi celle d'un tournant : Hegel se sépare progressivement des idées de Schelling, rupture consacrée par la préface de la Phénoménologie de l'esprit en 1807.

Hegel délaisse à cette période la critique de la religion au profit d'une critique de la politique. Il rédigé sur la constitution de l'Allemagne à partir du constat que «l'Allemagne n'est plus un Etat».

Ses cours sont intitulés Logique et métaphysique, Philosophie de la nature et de l'esprit, Le droit naturel, Dispositif général de la philosophie, La science complète de la philosophie ou Mathématique pure[27]. Hegel construit son dispositif et s'efforce de le diviser de façon organique, mais il reporte le moment de sa publication.

En 1805, il devient professeur honoraire mais sans toucher de gages. Il a épuisé son héritage et connaît une certaine détresse financière. Gœthe intervient alors pour qu'il touche un salaire annuel. Une autre source de gêne est l'apparition en 1807 d'un fils naturel, Ludwig, que Hegel a conçu avec la femme de son logeur, mais dont il prendra en charge soigneusement l'éducation.

Napoléon à la bataille d'Iéna (tableau de Horace Vernet, 1806)

La légende raconte que Hegel aurait achevé son chef d'œuvre, la Phénoménologie de l'Esprit, au cours de la bataille de Iéna. La veille de la bataille, il rédigé à son ami Niethammer   (en) son admiration pour Napoléon :

«J'ai vu l'Empereur — cette âme du monde — sortir de la ville pour aller en reconnaissance; c'est effectivement une sensation merveilleuse de voir un pareil individu qui, concentré ici sur un point, assis sur un cheval, couvre sur le monde et le domine[28]

Hegel prend par conséquent parti pour les Français contre les Prussiens. La Prusse vaincra finalement les troupes napoléoniennes durant les guerres de libération de 1811-1813, ce que Hegel vivra comme un drame. Kojève, philosophe marxiste du XXe siècle dont l'interprétation d'Hegel a marqué la philosophie française, considère néanmoins que la bataille d'Iéna marque «la fin de l'Histoire» en termes d'évolution des sociétés humaines vers «l'État universel et homogène». Hegel dit à la fin de ses cours en 1806 :

«Messieurs! Nous sommes localisés dans une époque importante, dans une fermentation, où l'Esprit a fait un bond en avant, a dépassé sa forme concrète antérieure et en prend une nouvelle[29]

Bamberg 1807-1808

L'arrivée de Napoléon à Iéna interrompt les activités universitaires. Hegel accepte l'offre que lui fait son ami Friedrich Immanuel Niethammer, en février 1807, de prendre la direction d'un journal à Bamberg (Bamberger Zeitung). Ses raisons sont autant économiques que théoriques :

«L'affaire m'intéressera car, comme vous le savez, je suis avec intérêt les événements mondiaux... On considère généralement la majorité de nos journaux comme plus mal faits que les journaux français et il serait intéressant de se rapprocher du ton de ces derniers[30]

Il débute son activité de rédaction au mois de mars au moment même où paraît la Phénoménologie de l'Esprit auquel il consacre d'ailleurs une annonce dans le journal. En ce qui concerne les articles, la censure laisse peu de liberté. Les commentaires des nouvelles sont proscrits. Une certaine ligne politique émane néanmoins dans la distanciation à l'égard de la Prusse et dans l'intérêt manifeste pour la politique napoléonienne de réformes, de constitution et de tolérance : l'empereur apparaît comme le "fondateur de la paix en Europe". Hegel confie néanmoins à ses proches que son penchant pour la politique est plutôt insatisfait par la "galère" du journalisme[31]. Il n'hésite par conséquent pas dès que Niethammer, devenu conseiller ministériel à Munich, lui propose un poste d'enseignement au lycée de Nuremberg. Au moment où il quitte Bamberg, Hegel a commencé d'écrire la Logique, qu'il avait uniquement esquissée à Iéna.

Nuremberg 1808-1816

Les armes de la famille Tucher

En 1808, il est recteur du gymnasium (lycée) de Nuremberg (aujourd'hui Melanchton-Gymnasium). Les élèves ont entre huit et vingt ans répartis dans des classes primaires, de progymnase et de gymnase proprement dit[32]. Hegel est confronté au manque de moyen et d'hygiène et fait une expérience amère de l'administration. Dans ses nombreux discours, il parvient néanmoins à porter l'attention des adultes sur les problèmes de pédagogie..

Il enseigne son dispositif de la philosophie (Encyclopédie philosophique) dans les dernières classes sous la forme d'une propédeutique (une forme d'introduction). Son propos est complexe pour les élèves, mais il les stimule en leur apprenant à dialoguer librement entre eux et leur témoignant un grand respect.

Il donne une suite à la Phénoménologie de l'esprit en publiant La Science de la logique en trois volumes (1812-1816). Ce n'est pas uniquement un organon, un instrument pour la pensée, auquel la scolastique réduisait la logique, mais un véritable traité de métaphysique : «La logique est à comprendre comme le dispositif de la raison pure, l'empire de la pensée pure[33]

En 1811, il épouse Marie von Tucher, qui appartient à une famille patricienne de la ville. Ils ont deux fils : Karl Hegel (1813-1901), qui deviendra historien, et Immanuel Hegel (1814-1891).

Heidelberg 1816-1818

L'Université d'Heidelberg où Hegel enseigna entre 1816 et 1818

En 1816, il accepte la chaire de l'université d'Heidelberg. Il est le premier philosophe à l'occuper depuis le refus de Spinoza en 1673. Dans son discours inaugural, il se félicite des premiers pas de l'unité allemande via la formation de la Confédération germanique, ce qui lui donne l'espoir que la «science pure et le monde libre rationnel de l'esprit» pourra se développer à côté du réel de la vie politique et quotidienne[34].

Il publie en 1817 l'Encyclopédie des sciences philosophiques comme le manuel conçu pour l'enseignement de son dispositif de la philosophie (il en donnera deux autres éditions en 1827 et 1830).

Il participe à la rédaction des Heidelbergischen Jahrbücher der Litteratur (Annales littéraires de Heidelberg), une revue dirigée par les professeurs de l'université et consacrée à la totalité des disciplines académiques. Hegel suscite en 1817 une polémique avec sa recension d'un ouvrage portant sur la nouvelle constitution du royaume de Wurtemberg. Il défend cette constitution contre les partisans des anciennes coutumes au nom du combat rationnel contre les privilèges menée par la Révolution[35].

Hegel fait la connaissance des marchands d'art Sulpiz et Melchior Boisserée, qui exposent depuis 1810 une célèbre collection de peintures anciennes. Le juriste Thibaut lui fait découvrir aussi la musique et Hegel partage un intérêt commun pour la mythologie avec G. F. Creuzer. Il accorde le titre de docteur au poète Jean Paul, et donne son premier cours d'«esthétique» en 1817[36].

En 1818, le ministre des cultes Altenstein lui propose la chaire de philosophie de l'université de Berlin suite à la mort de Fichte.

Berlin 1818-1831

Hegel en chaire à l'université de Berlin

En 1818, il occupe la chaire de Fichte à Berlin dans l'université nouvellement fondée par Wilhelm von Humboldt qu'il salue comme le «centre de toute éducation et de toute science et vérité» et un «moment essentiel dans la vie de l'Etat» [37][réf.  incomplète]. S'il n'attirait que peu d'étudiants à Heidelberg, la renommée de la chaire de Fichte à Berlin lui apporte un large public, comprenant juristes, philologues, théologiens et philosophes [38].

Bien que Hegel n'était pas partisan de la Prusse , il soutient contre les forces de la restauration la nouvelle politique de réformes alors engagée qui accorde à l'université son autonomie.

Après les décrets de Karlsbad (1819), cette liberté académique se retrouve remise en cause et la censure s'intensifie. Des élèves de Hegel sont interdits d'enseignement ou emprisonnés car ils sont suspectés de menées démagogiques[37].

Hegel publie dans ce contexte ses Principes de la philosophie du droit (1821), «véritable succès de librairie» selon J. -L. Vieillard-Baron, qui expose pour la première fois au public cultivé sa pensée politique développée depuis la Révolution [39]. Il y développe sa philosophie pratique et spécifiquement sa théorie des rapports de la société civile et de l'Etat. Quand il rédigé : «ce qui rationnel est réel, et ce qui est réel est rationnel» cela semble légitimer la situation de fait et témoigner publiquement d'une attitude de servilité à l'égard du pouvoir. On a accusé Hegel de quiétisme. Karl Marx, surtout, écrira en 1844, dans les Annales franco-allemandes , à propos de cet ouvrage :

«Hegel va presque jusqu'à la servilité. On le voit complètement contaminé par la misérable arrogance du fonctionnarisme prussien, qui, dans son étroit esprit bureaucratique, regarde la confiance en soi-même de l'opinion (subjective) du peuple. Partout ici l'Etat s'identifie pour Hegel avec le "gouvernement". [40]»

L'œuvre suscite en effet la polémique, certains accusant Hegel d'avoir renoncé à ses idéaux de jeunesse, alors que d'autres considèrent au contraire qu'il s'oppose au conservatisme et au droit divin [41]. Mais dans ses cours, il explique que «la philosophie du droit sait que le domaine du droit ne peut naître que par un développement progressif» et que «seul ce qui est rationnel peut advenir, lorsque bien même les phénomènes extérieurs singuliers semblent la contredire»[42][réf.  incomplète].

Hegel enseigne son dispositif de philosophie, en développant d'autres parties de son Encyclopédie des sciences philosophiques : non seulement la philosophie du droit, mais également la philosophie de l'histoire, l'esthétique ou philosophie de l'art, la philosophie de la religion ou l'histoire de la philosophie. La célébrité de Hegel couvre à cette époque. Les étudiants viennent de l'ensemble des facultés et de plusieurs pays européens. Leurs cahiers conservent actuellement le contenu des cours donnés à Berlin.

Le bâtiment de l'université de Berlin où enseigna Hegel entre 1818 et 1831 (photographie de 1900)

Pendant ses périodes de vacances ou à des fins d'étude, Hegel entreprend des voyages : en 1819, à l'île de Rügen, à Dresde et en Suisse; en 1822, aux Pays-Bas (il fait la connaissance du général Carnot alors exilé en passant par Magdeburg) ; en 1824 à Vienne (Autriche)  ; en 1827 à Paris; en 1829, à Carlsbad ainsi qu'à Prague en passant par Weimar et Iéna (où il retrouve Gœthe). Hegel s'intéresse spécifiquement à l'art. Il est passionnément épris de musique[43].

C'est sur l'invitation de son disciple français Victor Cousin que Hegel se rend à Paris (qu'il nomme la "capitale du monde civilisée"). Quand Cousin est arrêté à Dresde, en 1824, Hegel intervient auprès de la police allemande pour qu'il soit libéré[44]. Il apporte aussi des cahiers concernant ses cours sur la philosophie de l'histoire et l'esthétique dont le philosophe français saura s'inspirer[45].

Avec son élève Eduard Gans et d'autres professeurs, Hegel fonde en 1826 les Jahrbücher für wissenschaftliche Kritik (Annales de critique scientifique) sur le modèle du Journal des savants[46]. Il rédige lui-même des recensions sur les rédigés de Wilhelm von Humboldt (sur la philosophie indienne), de Solger (sur la question de l'ironie) et de Johann Georg Hamann.

En 1829, Hegel devient recteur de l'université de Berlin. Il tient en cette qualité un discours en 1830 pour le trois-centième anniversaire de la Confession d'Augsbourg.

En 1830, il polémique avec Eduard Gans et d'autres de ses disciples concernant la signification de la Révolution de Juillet. Hegel semble se ranger alors du côté des conservateurs quoiqu'il reconnaisse l'obligation de cette révolution. Il pense que la France comme pays catholique possède un degré de conscience politique plus élevé que son degré de conscience religieuse : elle voudrait faire la révolution de l'Etat sans faire la réforme de l'Eglise mais retombe par conséquent dans la réaction.

Hegel prend ouvertement parti, par contre, pour la réforme politique en Angleterre dans un article publié en 1831 (et partiellement censuré) où il dénonce non seulement un dispositif politique fondé sur l'arbitraire et dépourvu de constitution, mais également la violence des propriétaires et l'oppression subie par le peuple[47].

En 1831, Hegel travaille à une nouvelle édition de La Science de la logique quand une épidémie de choléra décime l'Europe. Hegel meurt de cette maladie (ou bien d'une maladie d'estomac) le 14 novembre 1831 à cinq heures et quart dans son appartement du Kupfergraben à Berlin[48]. Il est enterré deux jours plus tard au cimetière de Dorotheenstadt, où il repose toujours aux côtés de Fichte, suivant ses propres vœux. Le théologien Philipp Marheineke et le critique Friedrich Förster prononcèrent des discours pour ses obsèques. Hegel fut comparé par ce dernier à un "cèdre du Liban" ainsi qu'à "l'étoile du dispositif solaire de l'esprit mondial". Jacques D'Hondt interprète cela comme une manifestation de franc-maçonnerie[49].

Le 25 novembre 1831, un journal de Stuttgart publie les derniers mots du dernier cours prononcé par Hegel (sur la philosophie du droit)  : "rendre le monde extérieur partout conforme au concept de la liberté une fois reconnu, telle est la tâche des temps nouveaux"[50].

Philosophie

Principes

La philosophie de Hegel est une philosophie systématique et encyclopédique qui se développe à partir de l'idée logique. Son déploiement dialectique forme la réalité et son devenir, et son retour à soi dans la forme de la pensée, l'unique qui soit vraiment correcte à son contenu. Cette dialectique a pu être reconnue comme une théologie de l'histoire, mais elle a aussi donné lieu à de nombreuses interprétations contradictoires du fait de sa difficulté.

La philosophie et le sens commun

Hegel s'est expliqué lui-même sur cette difficulté, par exemple dans l'Introduction à l'Encyclopédie des sciences philosophiquesréf.  à confirmer : . Le sens commun ne peut pas trouver dans la philosophie ce qu'il en attend, car la philosophie est en soi un dépassement de ce sens commun et de ses fausses évidences. C'est que la philosophie, comme science, ne se contente pas de classer diverses représentations du réel. Il ne suffit pas non plus que ces représentations renvoient à des déterminations de pensée, comme celles qu'on trouve dans un droit toujours non-philosophique, qui définit le contrat, le vol, la propriété, etc. La philosophie doit montrer comment, selon quelle obligation rationnelle, l'esprit, en se réfléchissant lui-même, se détermine dans une série de moments nécessaires, où il ne s'aliène pas, dans la mesure où il demeure le mouvement, la vie, le logos, qui les anime et les génère de l'intérieur. La pensée qui demeure à la certitude du donné sensible, de même que la philosophie classique d'entendement, peineront par conséquent à comprendre la philosophie absolue.

La dialectique

Cette philosophie est principalement déterminée par la notion de dialectique, qui est tout à la fois un concept, un principe d'intelligibilité, et , selon Hegel, le mouvement réel qui gouverne les choses du monde. La pensée hégélienne est par conséquent la compréhension de l'histoire de ce qu'il nomme l'Idée, Idée qui, après s'être extériorisée dans la nature, revient en elle-même en niant cette altérité pour s'intérioriser, s'approfondir et se réaliser dans des formes culturelles (suivant une hiérarchie formelle d'un contenu semblable : art, religion et philosophie). D'un point de vue particulièrement général, c'est par conséquent une pensée qui veut concilier les opposés qui apparaissent, par la conciliation des philosophies de l'Être et des philosophies du devenir. En effet, avec la dialectique, ces oppositions cessent d'être figées puisque le mouvement d'une chose est d'être posée, puis de passer dans son contraire, et ensuite de réconcilier ces deux états. Ainsi, l'être n'est-il pas le contraire du néant ; l'être passe dans le néant, le néant dans l'être, et le devenir en est le résultat : «Le néant, comme ce néant immédiat, égal à soi-même, est de même, inversement, la même chose que l'être. La vérité de l'être, mais aussi du néant, est par suite l'unité des deux ; cette unité est le devenir.» (La Science de la logiqueréf.  à confirmer : )

Le concept de "dialectique" est pris en deux sens par Hegel selon qu'on parle du dialectique ou de la dialectique. Le dialectique sert à désigner un moment intermédiaire entre l'abstrait et le spéculatif, qui correspond en gros au scepticisme (l'art de dissoudre les opinions dans le néant), alors que la dialectique sert à désigner le mouvement de dissolution du fini lui-même. Hegel distingue en effet trois moments dans la connaissance. Dans un premier temps (mais c'est une priorité logique et non temporelle), la connaissance est abstraite, l'entendement forme l'empirique en objet de connaissance, ainsi qu'à cette fin il en fait le sujet de prédicats qui ne doivent pas se contredire. Mais (deuxième moment) la raison découvre que les concepts dans lesquels l'entendement croyait pouvoir connaître le concret ont un défaut : ils réifient l'objet de la pensée en le faisant passer pour une chose en soi, ce qu'il n'est absolument pas. " La pensée comme entendement s'en tient à la déterminité fixe ainsi qu'à son caractère différentiel comparé à d'autres, et un tel abstrait borné vaut pour elle-même comme subsistant et étant pour lui-même" (Encyclopédie, §14réf.  à confirmer : ). Par conséquent, la pensée doit se mettre en quête du véritable concret en commençant par dissoudre cette absolutisation des concepts finis. Ce moment est celui du dialectique lui-même. Mais le point capital est de comprendre que la dissolution des concepts abstraits n'est pas uniquement l'œuvre de notre réflexion, mais est immanente au fini lui-même, ce pourquoi la dialectique est objective (§15). Enfin, la pensée sort du scepticisme en concevant le concret comme totalité des déterminations, moment que Hegel nomme spéculatif. "Spéculatif" est le mot que Hegel emploie le plus fréquemment pour caractériser sa philosophie. C'est par conséquent proprement une mécompréhension de son œuvre que de la diminuer à une dialectique. "La Logique est .. principalement philosophie spéculative" (§17réf.  à confirmer : ).

La dialectique est généralement identifiée au syllogisme et ses trois moments : thèse, antithèse, synthèse ou position, opposition, composition. Cependant à la fin de la Logique (L'idée absolue, p.  381-383) Hegel montre que le moment négatif se divise en deux : opposition extérieure et division intérieure ou médiatisé et médiatisant : «si après tout on veut compter", «au lieu de la triplicité, on peut prendre la forme abstraite comme une quadruplicité" (souligné par les traducteurs, surtout dans leur présentation de la doctrine de l'essence, p.  XIII). Cela n'empêche pas la pertinence de la division ternaire, omniprésente. En fait on pourrait parler de cinq temps constitués de deux fois trois temps dans la mesure où il y a bien une synthèse partielle entre les deux moments négatifs : 1) position, 2) opposition extérieure, 3) unité spatiale des opposés, 4) division intérieure de l'unité, 5) enfin compréhension de l'identité temporelle et de lieu de soi dans l'être-autre (totalité sujet-objet).

La dialectique n'est pas une méthode extérieure imposant une forme immuable comme la triplicité, c'est le développement de la réalité, de la chose elle-même. En réalité, Hegel dit lui-même qu'il ne faut pas "compter" les moments du processus logique (SL, III, 383). On présente fréquemment de façon superficielle la dialectique hégélienne sous la forme thèse-antithèse-synthèse, termes que Hegel n'utilise jamais et qu'il récuse et renvoie à la sophistique, c'est-à-dire à l'art de produire des apparences trompeuses par des moyens pseudo rationnels. On peut récuser l'idée qu'il y aurait une doctrine hégélienne, car il s'agit en fait de dégager ce qu'il y a d'intelligible dans la réalité, et non d'en produire une nouvelle interprétation. La philosophie décrit la réalité et la reflète.

Dans le domaine de l'esprit, la dialectique est l'histoire des contradictions de la pensée qu'elle surmonte en passant de l'affirmation à la négation et de cette négation à la négation de la négation. C'est le mot allemand aufheben qui sert à désigner ce mouvement d'aliénation (négation) et de conservation de la chose supprimée (négation de la négation). La négation est toujours partielle. Ce qui est sublimé est alors médié et forme un moment déterminé intégré au processus dialectique dans sa totalité. Cette conception de la contradiction ne nie pas le principe de contradiction, mais suppose qu'il existe toujours des relations entre les opposés : ce qui exclut doit aussi inclure comme opposé.

Or, la thèse principale de Hegel est que cette dialectique n'est pas uniquement constitutive du devenir de la pensée, mais également de la réalité ; être et pensée sont par conséquent semblables. Tout se développe selon lui dans l'unité des contraires, et ce mouvement est la vie du tout. L'ensemble des réalités se développent par conséquent par ce processus qui est un déploiement de l'Esprit absolu dans la religion, dans l'art, la philosophie et l'histoire. Comprendre ce devenir, c'est le saisir conceptuellement de l'intérieur. Ainsi tout ce qui est rationnel est réel, et tout ce qui est «réellement réel» est rationnel. Pour tout autant, tout ne peut pas être produit obligatoirement par l'Esprit. En effet, Hegel distingue dans le donné ce qui répond à une exigence indispensable de l'esprit absolu, et ce qui n'est qu'expression contingente de cette obligation. Napoléon est à la fois l'incarnation d'un moment indispensable de l'Idée et un individu spécifique, privé, dont un simple valet de chambre pourrait raconter l'histoire... mais ce ne serait que l'histoire du point de vue de ce valet, et non l'histoire du point de vue de sa signification en soi et pour soi, l'histoire philosophique. Mais cette compréhension de la réalité ne peut venir qu'une fois les oppositions synthétisées et résolues, et c'est pourquoi la philosophie est la compréhension de l'histoire passée : «la chouette de Minerve ne prend son envol qu'au crépuscule.»[51] A titre d'exemple, Napoléon achève la Révolution française et Hegel le comprend.

L'histoire

L'histoire trouve sa réalisation objective dans l'État, où l'Idée s'accomplit dans une organisation juridique capable de réaliser la liberté qui est son essence, i. e.  : ce qu'elle était déjà en germe. L'État est ainsi l'Idée qui se concrétise dans une société humaine, dans un peuple dont l'Idée est l'esprit, et qui est menée à son terme par le grand homme. Mais seul le totalitarisme considère l'Etat comme la forme achevée de la liberté humaine. C'est l'art, la religion et la philosophie qui exécutent pleinement la liberté : parvenu au savoir absolu, à la liberté du concept, la philosophie reprend en effet la totalité du savoir, i. e.  : la totalité des moments du processus, et se forme par ce moyen comme science, comme savoir absolu de l'être.

On voit par conséquent que, pour Hegel, l'histoire s'achève avec son époque : tout ce développement dialectique, réalisé dans l'État, dans l'art, la religion, la philosophie, dans la totalité des institutions humaines qui expriment le travail du concept, trouverait sa vérité et son accomplissement à l'époque de Hegel. Cette volonté de clôture de l'histoire a génèré de violentes critiques, surtout pour Karl Marx, qui y voyait plutôt l'accomplissement de l'État bourgeois.

Le dispositif

Étant donnée cette dialectique de la totalité, i. e. le fait que la philosophie comprend la totalité du réel, Hegel reprend en un dispositif le savoir de son temps, dispositif où l'ensemble des concepts sont liés dans un ensemble organique. L'œuvre capitale de Hegel est de ce point de vue l'Encyclopédie des sciences philosophiques, dont le plan est l'architecture du dispositif de la philosophie. Il se compose de trois parties :

La Phénoménologie de l'esprit est une première présentation du même dispositif sous une forme introductive (du point de vue de la conscience et non du point de vue de l'idée).

Puisque l'ensemble des aspects de la réalité sont selon Hegel l'expression d'un mouvement dialectique, on ne doit pas séparer les domaines d'études : la totalité des chapitres de cet article n'est pas un découpage qui appartient à la pensée de Hegel, mais une présentation successive de quelques aspects qu'on doit comprendre ensemble : histoire, morale, droit, art, religion, philosophie.

La philosophie

Hegel définit la philosophie comme science qui rend compte d'elle-même, du sujet qui l'énonce, du processus historique où il prend place et , finalement, de l'unité sujet-objet tout autant que de leur division. Pour les matérialistes, il n'y a pas de projet transformateur de l'homme dans la philosophie hégélienne, elle ne se fait que par constats. Mais du point de vue parfaitiste, la véritable transformation et la potentialité révolutionnaire consiste dans le travail sur les représentations humaines qu'opère la philosophie alors même qu'elle se présente comme une science du réel. Quand Hegel dit : "tout ce qui est réel est rationnel" il veut dire : "tout ce qui est réel doit être rationnel" (comme il l'a dit en privé à son étudiant le poète Heinrich Heine[52]). Il y a une dimension normative de la raison théorique. La philosophie encyclopédique participe toujours chez Hegel du projet d'émancipation des Lumières propre au mouvement encyclopédique français.

Si on peut dire que chez Hegel la philosophie a une fin, ce n'est pas une fin qu'il lui attribue, mais qu'il constate à travers l'Histoire : c'est-à-dire la conscience de soi, mais de soi comme communauté historique (politique et religieuse) d'individus actifs qui transforment le monde, progrès dans la conscience de la liberté (c'est-à-dire progrès dans la connaissance de soi, tout comme dans la liberté de conscience mais aussi dans le droit et dans l'Etat comme liberté objective). C'est une philosophie de l'histoire, de l'action et d'une liberté en progrès avec ses contradictions, sa négativité, sa dialectique : passage de l'histoire subie à l'histoire conçue où la Phénoménologie de l'esprit s'achève après être passée de la conscience de soi à la conscience morale puis à la conscience politique et religieuse dans leur historicité.

Sources

Les sources de la pensée de Hegel sont énormes. Il prétend que rien de ce qui est humain ne lui est étranger et entend rendre compte dans son dispositif de la totalité de ce qui a été pensé dans l'histoire. Néanmoins ses principales influences ont été :

La Grèce

Hegel a traduit du grec le Banquet de Platon (ci-dessus) et l'Antigone de Sophocle

Lessing et Winckelmann avaient créé une vision de la Grèce faite d'harmonie et de sérénité. De même, pour Hegel, la cité réalise l'harmonie de l'État et de l'individu : l'individu s'identifie à la totalité, et les destins de la cité et de l'individu sont inséparables. Dans ce contexte politique, une religion de la transcendance est impossible : le divin est immanent, il n'y a pas de cité de Dieu, comme dans le christianisme. Mais cela veut dire que le modèle grec ne peut être réalisé tel quel par les peuples modernes et qu'il faut par conséquent tenter de modifier le christianisme pour qu'il réalise une harmonie nouvelle unissant le particulier et l'universel ; à cette époque, pour Hegel, c'est l'amour chrétien qui doit permettre de fonder un sens de la collectivité. Hegel ne s'occupe pas de la religion privée, qui ne concerne que l'individu ; seule la religion publique doit faire l'objet d'une réflexion philosophique. Hegel retient trois caractéristiques de l'idéal grec :

La religion grecque n'a pas de dogmes ni d'institutions, mais une mythologie qui inspire la moralité et la vertu.

Le christianisme

La philosophie des Lumières

L'idéalisme allemand

Les sciences

La Phénoménologie de l'esprit

Edition originale de la Phénoménologie de l'Esprit (1807)
Article connexe : Phénoménologie de l'Esprit.

La phénoménologie est la «science de l'expérience de la conscience». Elle introduit à un Dispositif de la science à paraître dont elle forme la première partie, quand elle est publiée par Hegel en 1807. Le dispositif sera publié plus tard avec la La Science de la Logique puis totalement avec l'Encyclopédie des sciences philosophiques.

La phénoménologie décrit l'évolution progressive et dialectique de la conscience vers la science (i. e. par le jeu des négations successives, la conscience commençant par nier ce qui se manifeste immédiatement à elle ), depuis la première opposition immédiate entre elle et l'objet, puis la conscience de soi, la raison, l'esprit, la religion, jusqu'au savoir absolu dans lequel «le concept correspond à l'objet et l'objet au concept». Ce dernier savoir est selon Hegel savoir de l'être dans sa totalité, intériorisation de l'objet, ou identité de l'objet de la pensée et de l'activité de connaissance dont le résultat est l'objet lui-même.

La phénoménologie débute par conséquent par la description de la conscience généralement, comme opposée à un objet. Mais cette description adopte aussi le point de vue de la conscience telle qu'elle s'apparaît à elle-même. Un moment de la dialectique de la conscience peut par conséquent être vrai pour la conscience elle-même, et faux pour celui qui rassemble la totalité des moments en une seule totalité. Ou, c'est à dire, toute conscience débute par l'erreur, et est dans l'erreur, mais se hisse à la vérité dans la totalité de son histoire. Cette histoire est une suite de prises de conscience (expériences vécues) et de créations actives (transformation du réel).

L'objectif de la phénoménologie est par conséquent de décrire en totalité l'essence intégrale de l'homme, i. e.  : ses possibilités cognitives et affectives. C'est en ce sens une anthropologie, quoique dans la totalité de son dispositif, Hegel considère la phénoménologie de la conscience au sein de la totalité de l'histoire de l'esprit, par conséquent au-delà de l'être humain.

La phénoménologie est divisée en huit chapitres. Les chapitres I à V se regroupent en trois parties : la conscience, la conscience de soi, et la raison qui est la conscience intégrale unissant les deux premiers. Le chapitre VI est consacré à l'esprit, le chapitre VII à la religion et le chapitre VIII au savoir absolu.

Dispositif de la philosophie

Hegel a publié son dispositif sous plusieurs formes :

Science de la Logique

Hegel dans sa chambre de travail, lithographie dédicacée à Gœthe, en 1828, avec une citation de la La Science de la logique : "La véritable réfutation doit aller à la force de l'adversaire et se positionner dans l'entourage de sa force, l'attaquer en dehors d'elle et conserver là un droit, la chose ne l'exige pas".
Article connexe : La Science de la logique.

La logique est la première partie du dispositif de la philosophie. Elle est exposée sous trois formes différentes, mais le contenu plus ou moins développé ne fluctue pas :

La logique est "la science de l'Idée pure, c'est-à-dire de l'Idée dans l'élément abstrait de la pensée»[54]; La logique se divise en trois moments :

Philosophie de la nature

La philosophie de la nature est la seconde partie du dispositif de la philosophie. C'est aussi la partie la plus controversée au point de vue scientifique. Elle est publiée sous deux formes :

La philosophie de la nature se divise en trois parties :

Philosophie de l'esprit

La philosophie de l'esprit est la troisième partie du dispositif de la philosophie. Elle est publiée sous trois formes :

La philosophie de l'esprit se divise en trois moments :

Esprit subjectif

La philosophie de l'esprit subjectif se divise en trois parties dans l'Encyclopédie :

Le cycle de cours correspondant est intitulé Anthropologie et Psychologie.

L'anthropologie est l'étude de l'âme, c'est-à-dire de l'esprit comme il ne s'est pas encore élevé à la conscience. L'anthropologie se déploie trois moments :

La phénoménologie trouve ici une place. Il importe de distinguer deux "phénoménologies de l'esprit", de même qu'il existe deux "logiques" (voir à ce sujet La Science de la logique). La première "phénoménologie" est la Phénoménologie de l'esprit publiée en 1807. La seconde est un chapitre de l'Encyclopédie des sciences philosophiques.

La différence entre les deux textes n'est pas absolue, car la «petite» phénoménologie de l'esprit reprend le plan d'une partie de la «grande». Mais elle en ôte aussi une part importante. Ainsi, si les trois moments que sont la conscience, la conscience de soi et la raison sont conservés, toute la partie qui concerne l'esprit (esprit, religion et savoir absolu) a disparu (elle est développée dans les chapitres sur l'esprit objectif et sur l'esprit absolu).

La psychologie est l'étude de l'esprit. Elle traverse les étapes suivantes :

Esprit objectif

La sphère de l'esprit objectif est le domaine du droit, de la morale, de la politique et de l'histoire. Hegel a traité à diverses reprises de ces parties de la philosophie y compris dans les rédigés de jeunesse. Dans le dispositif de la maturité, il en traite

Philosophie du droit

Hegel possédait l'édition originale du Contrat social de Rousseau (1762)

Les trois moment de l'esprit objectif ou de la philosophie du droit sont :

Le droit abstrait se divise en :

  1. La propriété
  2. Le contrat
  3. Le Déni du Droit

La moralité se divise en :

  1. Le propos et la responsabilité morale
  2. l'intention et le bient-être (ou bien propre)
  3. Le Bien et la conscience morale

La vie éthique se divise en :

  1. La famille
  2. La société civile : travail et production
  3. L'État
    1. Le droit étatique interne
    2. Le droit étatique externe

Nous voyons ici les différentes étapes de la Sittlichkeit ou vie éthique. Par exemple : L'individu lorsqu'il naît et jusqu'à son adolescence est dans le moment de la famille. Il ne se différencie pas de sa famille, son univers est clos. A partir de l'adolescence, le jeune homme devient contestataire vis-à-vis de sa famille et entre dans la société civile, c'est le deuxième moment constitutif de la négation du premier moment ou de sa différenciation vis-à-vis de la famille. Enfin à partir du moment où le jeune homme se réconcilie avec le monde, et cesse d'être dans la différenciation, mais peut s'appuyer sur le monde pour s'affirmer, tout en reconnaissant autrui autant que lui même, ou alors lorsqu'il peut gérer par lui même ses propres différences, c'est le moment de la réconciliation, le troisième moment, celui de la citoyenneté, dans l'État.

Philosophie de l'histoire

Le bâtiment de l'université de Berlin en 1938

L'histoire du monde forme le troisième et dernier moment dans la théorie hégélienne de l'État des Principes de la philosophie du droit (§§ 341-360). Hegel développe d'autre part ce point de façon autonome et détaillée dans ses cours sur la philosophie de l'histoire.

L'histoire du monde prend la forme d'un "tribunal" où les sociétés et les peuples spécifiques comparaissent dans le mouvement général de "l'esprit" qui se réalise et prend connaissance de soi.

Le processus historique n'est pas déterminé par un "destin aveugle", mais l'histoire est la réalisation progressive du concept de liberté, soit "le développement indispensable des moments de la raison" sous la forme de la "conscience de soi" (§ 342). L'idée est que la raison gouverne le monde.

Les Etats, les peuples spécifiques et les individus sont des instruments ou des organes de "l'esprit du monde" (Weltgeist). Le principe est qu'un peuple domine ainsi à chaque période qui obtient son "droit absolu" du fait qu'il accomplit un stade dans le développement de la conscience de soi de l'humanité; les autres peuples alors ne comptent pas du point de vue de l'histoire.

Des individus (les "grands hommes") sont à la pointe des actions historiques; ils ne trouvent pas obligatoirement le bonheur ni la reconnaissance de la part de leurs contemporains (§ 348).

Les peuples ne se donnent pas spontanément la forme d'un Etat avec des lois : le passage de la famille, horde, grande variété à l'Etat est le passage à la réalisation de l'idée. Les "héros" sont conduits à fonder des Etats (§ 350). Les "nations civilisées" traitent comme "barbares" les nations qui leurs sont inférieures au point de vue de la conscience du droit et de la réalisation de l'Etat (§ 351).

Hegel distingue quatre étapes dans le mouvement de libération de l'esprit du monde qui correspondent à quatre empires historiques (§§ 352-358)  :

  1. Le monde oriental : régime patriarcal et gouvernement théocratique, où l'individu n'a pas de droit, où les coutumes ne se distinguent pas des lois
  2. Le monde grec : apparition du principe de l'individualité, mais les peuples restent spécifiques et la liberté suppose l'esclavage
  3. Le monde romain : séparation entre l'universel et la conscience de soi personnelle et privée, mais opposition de l'aristocratie et de la démocratie, les droits restent formels, l'universel est abstrait
  4. Le monde germanique : perte du monde, l'esprit est refoulé en lui-même, mais réconciliation au sein de la conscience de soi de la vérité et de la liberté, un royaume intellectuel s'oppose au royaume temporel

L'Etat est une image et forme de réalisation de la raison, mais la conscience de soi se retrouve plus librement dans la "religion" et en particulier dans la "science" (§ 360).

Esprit absolu

Philosophie de l'art

L'art exprime l'Idée sous une forme sensible, c'est l'absolu donné à l'intuition : le Beau est la manifestation sensible de l'Idée, mais sans en être une forme achevée.
L'art est une objectivation de la conscience par laquelle elle se manifeste à elle-même. Il forme par conséquent un moment important de son histoire. La réflexion sur l'art implique la fin de l'art, au sens où cette fin est un dépassement de l'élément sensible vers la pensée pure et libre. Ce dépassement doit se réaliser dans la religion et la philosophie. Pour Hegel la plus mauvaise des productions de l'homme sera toujours supérieure au plus beau des paysages, car l'œuvre d'art est le moyen privilégié par lequel l'esprit humain se réalise.

L'histoire de l'art se divise en trois, suivant la forme et le contenu de l'art :

Philosophie de la religion

La philosophie

Tombe de Hegel au cimetière de Berlin (en 1970)
Le savoir absolu

Le savoir absolu ne décrit pas la totalité du réel, ce qui serait délirant malgré ce que Kojève a pu laisser croire, c'est un savoir sur le savoir, la conscience de soi du savoir comme savoir d'un sujet. C'est l'unité du subjectif et de l'objectif[57], passage à la logique qui est bien une vérité définitive, un savoir absolu quoique formel et sans contenu toujours. On peut même dire que la conscience du caractère subjectif du savoir est aussi le savoir de l'insuffisance du savoir (rejoignant l'ignorance docte), savoir du négatif et savoir qu'on ne peut dépasser son temps !

En effet, la philosophie, pour Hegel, doit être scientifique ; elle doit par conséquent être indispensable et circulaire. L'absolu est circulaire, cela veut dire que le dispositif revient à son point de départ ; mais la différence avec les sciences, c'est que la philosophie rend compte du sujet qui l'énonce et de son inscription dans une histoire. Le dispositif encyclopédique des sciences est l'histoire des interactions du sujet avec son objet, qui ne sont jamais données d'avance mais qui se succèdent en s'opposant malgré tout selon une logique dialectique implacable.

Ainsi le savoir absolu succède dans la phénoménologie à la religion et se comprend comme négation de l'être-étranger, de la projection dans un Dieu du sujet qui s'assume comme divisé et comme intériorisation de l'extériorité.

«C'est uniquement après avoir abandonné l'espérance de supprimer l'être-étranger d'une façon extérieure que cette conscience se consacre à soi-même. Elle se consacre à son propre monde ainsi qu'à la présence, elle découvre le monde comme sa propriété et a fait ainsi le premier pas pour descendre du monde intellectuel[58]

Le savoir absolu est la conscience de soi de l'histoire, passage de l'histoire subie à l'histoire conçue, du passif à l'actif, de l'abstrait au concret.

On trouve le concept de Savoir Absolu comme savoir sur le savoir chez Fichte (1802) [59].

L'histoire de la philosophie

L'histoire de la philosophie se divise en :

L'hégélianisme

L'hégélianisme est le courant philosophique qui s'est développé après la mort de Hegel, au XIXe puis au XXe siècle. Il comprend les élèves ou disciples immédiats de Hegel puis ceux qui se sont réclamés de sa pensée.

L'hégélianisme au XIXe siècle

Hegel exerça une profonde influence sur les milieux intellectuels, littéraires, scientifiques, religieux et politiques non seulement en Allemagne mais dans toute l'Europe.

Allemagne

L'hégélianisme était presque, dans la première moitié du XIXe siècle, la philosophie officielle de la Prusse. Il était presque impossible, à cette époque, d'obtenir une chaire d'université en Prusse sans être hégélien. Néanmoins, les plus radicaux des hégéliens (les «jeunes hégéliens»), dont Feuerbach ou Marx, furent chassés des postes d'enseignement ou des territoires allemands. Après la mort de Hegel, plusieurs de ses élèves se firent les continuateurs et conservateurs orthodoxes du dispositif, et publièrent certains de ses cours qui n'avaient pas été édités. Schelling fut rappelé par la monarchie prussienne pour combattre l'hégélianisme dominant. D'autres prirent les chemins d'une critique bien plus radicale ou révolutionnaire qu'ils trouvait latente dans l'enseignement de Hegel.

En s'inspirant de la division politique du parlement français en droite et gauche, David Strauss a classé les membres de l'école hégélienne. Les conservateurs du dispositif de Hegel se faisaient appeler "vieux hégéliens" ou hégéliens de droite. Ils défendent le spiritualisme. Les jeunes hégéliens ou hégéliens de gauche rassemblent de jeunes écrivains comme Ludwig Feuerbach, Max Stirner, Bauer et Marx), lesquels, tout en se servant d'une partie de la doctrine de Hegel, firent la critique de la religion chrétienne et de la politique de l'époque. La religion forme en effet la ligne de fracture entre les tenants du théisme, à droite, et de l'athéisme, à gauche[60]. Cette fracture est effective après la publication de La Vie de Jésus de Strauss en 1835[61].

Le hégélianisme de gauche tend à se détacher de la pensée de Hegel lui-même et se cristallise ensuite dans le marxisme. Devant les attaques qu'il subit après sa mort de la part de la pensée conservatrice, à commencer par Schelling, puis, plus tard, par Büchner, Lange, Dühring   (en) , Fechner, etc., Marx entend défendre néanmoins l'héritage de celui qu'on traite comme un «chien crevé» [62].

Réunion du groupe "Die Freien" à Berlin dans les années 1840 avec Max Stirner au centre (esquisse de Friedrich Engels)

Hégélianisme de droite :

  • Carl Friedrich Göschel
  • Georg Andreas Gabler
  • Erdmann

Centre :

Hégélianisme de gauche :

France

En France, Hegel eut en particulier Victor Cousin pour disciple et interlocuteur, lequel fit connaître sa philosophie en la reprenant quelquefois à son compte (la philosophie de l'histoire) ou en exprimant ses réserves ou son incompréhension (la logique), malgré toute l'admiration et l'amitié qu'il exprimait aussi à l'endroit de Hegel. Cousin initia les premières traductions de l'Esthétique et de l'Encyclopédie confiées à Charles Magloire Bénard et Augusto Véra. Joseph Willm rédigé un Essai sur la philosophie hégélienne en 1836. Etienne Vacherot voit dans Hegel celui qui ouvre la voie de la métaphysique au XIXe siècle[63].

La philosophie politique ne fut pas traduite, mais trouva néanmoins une forme de réception en dehors du cousinisme, surtout dans le saint-simonisme et le socialisme français. Eugène Lerminier a été auditeur de Hegel à Berlin. Gustave d'Eichthal veut faire le pont entre l'hégélianisme et le positivisme d'Auguste Comte. Emile Beaussire voit Hegel comme un continuateur de Dom Deschamps. Hippolyte Taine fait connaître la philosophie de l'art. Et Jean Jaurès reconnaît, en 1892, Hegel comme précurseur du socialisme[64].

Danemark

Hans Lassen Martensen importa le hégélianisme au Danemark et fonda un important courant de théologie spéculative, auquel s'opposera Søren Kierkegaard.

Søren Kierkegaard a été fortement influencé par la philosophie de Hegel, qu'il combattra ensuite, surtout dans le Post-scriptum aux Miettes philosophiques.

Russie

Michel Bakounine, Vissarion Belinski et Alexandre Herzen ont en premier lieu adhéré à la philosophie hégélienne avant de la renier[65]. Bakounine retient que l'hégélianisme est une doctrine révolutionnaire, qui consiste dans la négation du présent au profit de l'avenir, toute conciliation n'étant qu'une manœuvre pour entraver la dialectique de l'histoire[66]. Herzen dit avant 1848 que la philosophie de Hegel est "l'algèbre de la révolution"[67].

Grande-Bretagne

Un ouvrage de James Hutchison Stirling The Secret of Hegel (1865) marque le début du néo-hégélianisme anglais qui est en même temps un néo-kantisme et un spiritualisme proche de la droite hégélienne[68]. Thomas Hill Green introduit le hégélianisme à l'université d'Oxford. Francis Herbert Bradley et Bernard Bosanquet sont les principales figures de cette nouvelle forme d'idéalisme.

Italie

Toujours au XIXe siècle, en Italie, une vigoureuse école hégélienne s'est implantée, essentiellement à Naples avec Augusto Véra (qui traduisit aussi en français les œuvres de Hegel) et les frères Bertrando et Silvio Spaventa, école liée au mouvement national et libéral italien. Benedetto Croce est le neveu de Spaventa; il voit dans la méthode dialectique la majeure partie de la philosophie hégélienne.

L'hégélianisme au XXe siècle

Monument Hegel, à Berlin-Est , près de l'université. Photo prise en 1970, l'année du bicentenaire, à l'occasion du congrès Hegel international. Hegel est alors reconnu comme un précurseur de Marx et Engels.

Hegel a connu une très importante réception dans la philosophie du XXe siècle, surtout dans la philosophie française grâce aux célèbres leçons données par Alexandre Koyré et en particulier par Alexandre Kojève à l'École pratique des hautes études, à Paris, dans les années 1930.

Jean Hyppolite est ensuite devenu le principal représentant de l'hégélianisme en France initiant autant Bernard Bourgeois et Jacques D'Hondt que Jacques Lacan, Michel Foucault, Jacques Derrida et Alain Badiou.

Le hégélianisme couplé à d'autres influences (Kierkegaard, Marx et Husserl) est à l'origine des trois grands courants philosophiques dominants à cette époque : l'existentialisme, la phénoménologie[69] et le marxisme. Maurice Merleau-Ponty rédigé en 1946 : "Hegel est à l'origine de tout ce qui s'est fait de grand en philosophie depuis un siècle"[70].

En 1915, Lénine rédigé qu'on ne peut comprendre Karl Marx sans avoir avoir étudié à fond et compris la Logique de Hegel[71].

Georg Lukacs et l'Ecole de Francfort (Marcuse et Adorno) entreprennent une relecture de Hegel à la lumière du matérialisme historique pour critiquer les interprétations fascisantes dans les sociétés libérales.

Otto Pöggeler fonde en 1958 le Hegel-Archiv (Archives Hegel), rattaché à l'université de Bochum, qui est officiellement en charge de l'édition critique des œuvres de Hegel et de la revue Hegel-Studien[72].

En 1962, Gadamer fonde l'Internationale Hegel-Vereinigung (Association Hegel internationale) pour l'interprétation et la discussion de l'œuvre de Hegel dans la tradition de l'herméneutique. Celle-ci est actuellement présidée par Axel Honneth, qui s'est fondé sur une lecture libre de la «dialectique du maître et de l'esclave», l'interprétant à la lumière de la sociologie, pour fonder une théorie de la reconnaissance. Celle-ci a renouvelé le champ contemporain de la philosophie politique [73].

En 1969, Jacques D'Hondt réalise le projet d'Hyppolite d'associer hégélianisme et marxisme, en fondant le Centre de Recherche et de Documentation sur Hegel et sur Marx à Poitiers, qui devient ensuite le CRHIA, dirigé en 2008 par Bernard Mabille[74].

Après la chute du mur de Berlin, en 1990, en s'inspirant explicitement de Kojève, le néo-conservateur américain Francis Fukuyama a décrit dans La Fin de l'histoire et le Dernier Homme (1992) la nouvelle période comme celle de la «fin de l'histoire», faisant de la démocratie libérale l'idéal indépassable et triomphant de nos temps. Cette thèse est sévèrement critiquée, certains dénonçant un contre-sens absolu sur ce concept (Franck Fischbach, Bernard Bourgeois). Derrida se moque alors gentiment «du type «lecteurs-consommateurs de Fukuyama» ou du type «Fukuyama» lui-même», rappelant dans Spectres de Marx (1993) que «les thèmes eschatologiques de la «fin de l'histoire», de la «fin du marxisme», de la «fin de la philosophie», des «fins de l'homme», du «dernier homme», etc., étaient, dans les années 1950, il y a 40 ans, notre pain quotidien [75]»; «Cet ouvrage, rédigé-il toujours, ressemble fréquemment, il est vrai, au sous-produit consternant et tardif d'une «footnote» : Nota bene pour un certain Kojève qui méritait mieux.» [76]. Le hégélianisme tend alors à se détacher légèrement partout du marxisme .

L'hégélianisme trouve place aussi actuellement au sein de la philosophie analytique quoique ce courant de la philosophie se soit en premier lieu constitué, en Grande-Bretagne, avec Bertrand Russell, en réaction à l'idéalisme hégélianisant de Francis Herbert Bradley.

Dieter Henrich réunit au congrès Hegel de Stuttgart, en 1975, des représentants de la philosophie analytique tels que Donald Davidson, Michæl Dummett, Hilary Putnam ou Willard Van Orman Quine. Il y a peu de temps, deux philosophes américains éminents, John McDowell et Robert Brandom ont montré l'importance de Hegel pour leur travail.

Parmi les principaux philosophes du XXe siècle influencés par Hegel :

Critiques

Controverses

La pensée de Hegel a fait l'objet de nombreux débats : Hegel était-il panthéiste (spinoziste)  ?

Vocabulaire

Fichier :La calle Hegel. jpg
Panneau indicateur d'une rue portant le nom de Hegel dans un quartier de Mexico en 2008

La langue philosophique de Hegel est complexe. Bertrand Russell considère Hegel comme l'auteur le plus complexe à lire de l'histoire de la philosophie occidentale et lui reproche son obscurité. (Schopenhauer dit : «Hegel met les mots, le lecteur doit trouver le sens». ) L'obscurité se laisse néanmoins diminuer à de la clarté au terme d'un effort d'apprentissage. Le principal obstacle paraît être le vocabulaire hégélien qui n'est pas forcément défini pour un lecteur non philosophe. Pourtant, Hegel n'emploie que des mots empruntés à la langue commune et ils sont assez peu nombreux. C'est en particulier la syntaxe conceptuelle de sa pensée qui est effectivement complexe, soit le raisonnement logique lui-même. Sa langue est abstraite et austère, elle ne fait aucune concession à la rhétorique si ce n'est une métaphorique puissante.

Hegel considère que la langue allemande ordinaire est naturellement spéculative. Elle est en elle-même philosophique et dialectique. A titre d'exemple, le mot allemand (de) Aufhebung unifie les significations contradictoires de "suppression" et de "conservation" et c'est pourquoi il est utilisé pour décrire le processus dialectique. Mais cette signification du mot n'est pas évidente et elle ne trouve pas d'équivalent simple en français : on a proposé le mot de "relève" pour conserver ce sens spéculatif mais au prix d'un artifice. On a forgé aussi le néologisme "sursomption" mais cela entre en contradiction avec le principe que la philosophie s'exprime dans la langue commune. Le terme "suppression" est adopté dans la majorité des occurrences car le mot "Aufhebung" est employé le plus souvent dans son sens purement négatif. Mais la traduction de ce terme est en soi un problème philosophique concernant les rapports de la pensée et de la langue (et de la traduction).

Hegel donne en l'ensemble des cas une connotation philosophique spécifique aux termes qu'il emploie quand il les utilise comme des concepts ou des catégories. Suit une liste de mots ou concepts simples dont la définition et la traduction sont néanmoins aussi complexes qu'principales. Ils peuvent être diversement rendus suivant les traducteurs. Les choix de Jean Hyppolite puis de Bernard Bourgeois ont longtemps servi de référence [77].

Citations

Sur le fronton de la gare de Stuttgart est inscrite en signes lumineux par Joseph Kosuth cette citation de la Phénoménologie : „… daß diese Furcht zu irren schon der Irrtum selbst ist. “ ("... que cette peur d'errer est déjà l'erreur même")

Bibliographie

Œuvres de Hegel

Publications
Cours (publiés à titre posthume) [82]
Ecrits de jeunesse (publiés à titre posthume)

(sélection)

Traductions

XIXe siècle
XXe siècle
XXIe siècle

Études

(sélection par ordre chronologique des publications en français au XXe siècle)

Biographies

Voir aussi

Liens externes

Commons Georg Wilhelm Friedrich Hegel sur Commons

Catégorie Georg Wilhelm Friedrich Hegel de l'annuaire dmoz

Notes et références

  1. Friedhelm Nicolin, Von Stuttgart nach Berlin : die Lebenstationen Hegels, Marbacher Magazin, 1991, p. 4.
  2. Nicolin (1991), op.  cit. , p. 5
  3. Jacques Derrida, «L'âge de Hegel» dans Du droit à la philosophie, Galilée, 1990, p. 181
  4. Karl Rosenkranz, Vie de Hegel, Gallimard, 2004, p. 106, p. 115
  5. Rosenkranz, p. 138
  6. Rosenkranz, p. 125
  7. Friedhelm Nicolin, p. 19
  8. L'historien Karl August Klüpfel rédigé dans son Histoire et description de l'université de Tübingen : "Un jour on planta un arbre de la liberté sur le marché, et nous trouvons autour de lui le philosophe Hegel et Hölderlin, tous deux boursiers à cette époque et amis enthousiastes de la liberté" (cité par Jacques D'Hondt (1998), p. 68). Il existe un témoignage analogue cité par Karl Rosenkranz : "Un matin, c'était un dimanche, un beau jour clair de printemps, Hegel et Schelling se seraient rendus en compagnie de quelques amis dans une prairie non loin de Tübingen, et y auraient dressé un arbre de la liberté" (Rosenkranz, 2004, p. 130). Les deux historiens s'appuient sur des souvenirs de témoins dans les années 1830.
  9. Rosenkranz, p. 130
  10. Leutwein, cité par Nicolin, p. 22
  11. Rosenkranz, p. 144. Alain Patrick Olivier, Hegel, la genèse de l'esthétique, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 36.
  12. Nicolin, p. 22
  13. Nicolin, p. 23
  14. Jacques D'Hondt, Hegel. Biographie, Calmann-Lévy, p. 75-83.
  15. Voir (de) Martin Bondelli, Hegel in Bern, Bonn, 1990
  16. Hegel, Lettre à Schelling, 16 avril 1795, dans Correspondance, tome I, p. 28
  17. Lettres de Jean-Jacques Cart à Bernard de Muralt, trésorier du pays de Vaud, sur le droit public de ce pays et sur les événements actuels, Paris, Imprimerie du Cercle social, 1793. Voir Jacques D'Hondt, Hegel secret, p. 45
  18. Rosenkranz, p. 196; Olivier, p. 50
  19. Le fragment est découvert et publié en 1917 par Franz Rosenzweig et attribué à Hegel en 1965 par Otto Pöggeler.
  20. Olivier, Hegel, la genèse de l'esthétique, p. 26
  21. Hegel, Lettre à Windischmann, 27/05/1810, dans Correspondance, tome I, p. 280
  22. Bernard Bourgeois, Hegel à Francfort, Vrin, p. 9-11
  23. Georg Lukacs (1948), Le jeune Hegel : sur les rapports de la dialectique et de l'économie, Gallimard, 1981
  24. Nicolin, p. 35
  25. Hegel, Lettre à Schelling, 2/11/1800, dans Correspondance, I, p. 60
  26. Hegel, Les orbites des planètes. Dissertation de 1801, trad. et commentaire de F. De Gandt, Vrin, 1979
  27. Nicolin, p. 42
  28. Hegel à Niethammer   (en) , 13 octobre 1806, in Correspondance, trad. fr. J. Carrère, Gallimard, tome I, p 114-115
  29. Cité par Alexandre Kojève en exergue de son Introduction à la lecture de Hegel, Gallimard, 1971, p. 7 (initialement publié en 1947)
  30. Hegel, Correspondance, I, p. 136
  31. Nicolin, p. 49
  32. Hegel, Textes pédagogiques, Vrin, 1990, Introduction de Bernard Bourgeois, p. 14
  33. Hegel, La Science de la logique, Nuremberg, 1812, t. I, p. xiii
  34. Nicolin, p. 64.
  35. Nicolin, op.  cit. , p. 66
  36. Nicolin, p. 68
  37. Nicolin, op.  cit. , p. 72
  38. Jean-Louis Vieillard-Baron, Hegel. Penseur du politique, éd. du Félin, 2006, Paris, p. 35
  39. Jean-Louis Vieillard-Baron, Hegel. Penseur du politique, éd. du Félin, 2006, Paris, p. 31 : «La pensée politique de Hegel débute avec la Révolution française, mais elle n'est vraiment connue que par la publication en 1821 des PDD qui furent un véritable succès de librairie. Actuellement, les PDD sont l'œuvre la plus connue de Hegel, l'œuvre connue la plus lisible, comme si elle représentait le moment où le dispositif hégélien, sortant de lui-même, allait à la rencontre d'un vaste public cultivé, et ne se contentait pas de s'adresser au particulièrement petit nombre de gens qui ont, une bonne fois, pris la décision de philosopher, et , peut-être par voie de conséquence, de s'enfermer dans l'ésotérisme de la pure philosophie.»
  40. Karl Marx, Œuvres philosophiques, trad. Molitor, t. IV, p. 254, cité par J. -L. Vieillard-Baron, op.  cit. , p. 32
  41. Jean-Louis Vieillard-Baron, Hegel. Penseur du politique, éd. du Félin, 2006, Paris, p. 32. Vieillard-Baron cite le livre de Rudolf Haym   (en) , Hegel et son temps (1857), qui expose en détail ces critiques (Hegel und seine Zeit, rééd. Hildesheim, Olms, 1962, p. 357-391).
  42. Nicolin, op.  cit. , p. 75
  43. Rosenkranz, p. 550-556
  44. Rosenkranz, p. 557
  45. Hegel, Esthétique, Vrin, 2005
  46. Jacques D'Hondt, Hegel et le Journal des savants
  47. Rosenkranz, p. 619-623
  48. Karl Rosenkranz, Vie de Hegel, Gallimard, 2004, p. 629. La tombe porte aussi la mention de la date de mort le 14 novembre et non le 13 novembre comme il est indiqué dans de précédentes versions du présent article
  49. Jacques D'Hondt, Hegel, p. 20-21.
  50. Nicolin, p. 92
  51. Hegel, Principes de la philosophie du droit, Préface.
  52. Heinrich Heine, cité dans G. Nicolin, Hegel in Berichten seiner Zeitgenossen, Hambourg, 1970, § 235
  53. Les textes de Hegel sur la question ont été re-traduits et commentés par François Roustang, Hegel, le magnétisme animal. Naissance de l'hypnose, PUF, 2005. Commentaire de Bertrand Méheust
  54. Hegel, La Science de la logique, Concept préliminaire
  55. Hegel, La Science de la logique, La Théorie de l'être
  56. Hegel, La Science de la logique, La Théorie du concept
  57. Modèle :Référence à compléter Hegel, Logique I, p. 33
  58. Hegel, Phénoménologie, p. 306.
  59. On peut se référer au livre de Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean Labarrière, De Kojève à Hegel, dont la conclusion s'intitule : «Le savoir absolu n'est pas l'absolu du savoir.»référence, citation ou lien
  60. Pierre Osmo dans Karl Rosenkranz, Vie de Hegel, Gallimard, 2004, p. 50
  61. René Serreau, Hegel et l'hégélianisme, 1962, p. 64.
  62. Karl Marx, postface du deuxième tirage du Capital, p. 29. Œuvres complètes. Le Capital. , tome I, Paris, éd. Sociales, 1967. Voir aussi lettre à Kugelmann   (en) du 27 juin 1870 :
    «il me rappelle Moses Mendelssohn ; ce prototype du bavard écrivit un jour à Lessing pour lui demander comment il pouvait lui venir à l'idée de prendre au sérieux ce «chien crevé de Spinoza !» Monsieur Lange s'étonne de même qu'Engels, moi, etc., nous prenions ce chien crevé de Hegel au sérieux, tandis que, n'est‑ce pas, depuis longtemps, les Büchner, Lange, le docteur Dühring, Fechner, etc. ‑ poor deer [pauvres bêtes], s'accordent à dire qu'ils l'ont depuis longtemps enterré. Lange a la naïveté d'affimer que je me «meus avec une liberté extrêmement rare» dans la matière empirique. Il ne soupçonne pas que cette «liberté de mouvement dans le sujet» n'est rien d'autre qu'une paraphrase pour la méthode, la manière de traiter le sujet, c'est‑à‑dire la méthode dialectique.»
  63. Serreau (1962), p. 94
  64. Michel Espagne, En deçà du Rhin : l'Allemagne des philosophes français du XIXe siècle, Paris, Cerf, 2004
  65. Serreau, 1962, p. 96
  66. Serreau, 1962, p. 97
  67. Serreau, p. 98
  68. Serreau, 1962, p. 100
  69. Kojève interprète la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel comme une "anthropologie philosophique" et une description phénoménologique "au sens husserlien du terme" d'attitudes existentielles. Voir : Alexandre Kojève, Introduction à la lecture de Hegel, Gallimard, 1971, p. 38-39
  70. Maurice Merleau-Ponty, Sens et Non-sens, Nagel, 1948, p. 109-110 : "Hegel est à l'origine de tout ce qui s'est fait de grand en philosophie depuis un siècle - par exemple du marxisme, de Nietzsche, de la phénoménologie et de l'existentialisme allemand, de la psychanalyse - : il inaugure la tentative pour explorer l'irrationnel et l'intégrer à une raison élargie qui reste la tâche de notre siècle".
  71. Cité par Louis Althusser, Lénine et la philosophie, suivi de Marx et Lénine devant Hegel, Maspéro, 1972.
  72. Site Internet du Hegel-Archiv
  73. Cf. Pierre Macherey, «Le Hegel husserliannisé d'Axel Honneth. Réactualiser la philosophie hégélienne du droit. », Revue internationale des idées et des ouvrages , n°11, mai-juin 2009
  74. http ://spip. univ-poitiers. fr/philosophie/article. php3?id_article=61
  75. Jacques Derrida, Spectres de Marx (1993), éd. Galilée, p. 37 sq.
  76. Jacques Derrida, Spectres de Marx (1993), éd. Galilée, p. 98. Derrida ajoute : «Pourtant ce livre n'est pas aussi mauvais ou aussi naïf que le laisserait croire une exploitation effrénée qui l'exhibe comme la plus belle vitrine idéologique du capitalisme vainqueur dans une démocratie libérale enfin parvenue à la plénitude de son parfait, sinon de sa réalité. En réalité, quoique pour la majeure partie il reste, dans la tradition de Léo Strauss, relayée par Allan Bloom, l'exercice scolaire d'un lecteur jeune, appliqué, mais tardif de Kojève (et de quelques autres), ce livre, il faut le reconnaître, est ici ou là plus que nuancé : quelquefois même suspensif jusqu'à l'hésintantion. Aux questions qu'il élabore à sa manière, il lui arrive d'ajouter ingénuement, pour ne pas être pris en faute, ce qu'il nomme une «réponse de gauche» à une «réponse de droite». Il mériterait par conséquent une analyse particulièrement serrée.» (ibid). Voir pages suivantes, par ex. p. 115
  77. Pour un vocabulaire détaillé voir le petit livre pédagogique de Bernard Bourgeois, Le vocabulaire de Hegel, Ellipses, 2000
  78. Principes de la philosophie du droit, Préface.
  79. Hegel, Leçons sur la Philosophie de l'histoire, traduction J. Gibelin, Vrin, 1963, p. 28
  80. Préface à la phénoménologie de l'esprit.
  81. Hegel, Leçons sur la Philosophie de l'histoire, traduction J. Gibelin, Vrin, 1963, p. 27
  82. Hegels Vorlesungs-Ankündigungen in Berlin, in : (de) Hegel, Briefe, tome IV, Meiner, p. 114.
  83. Recension (2009) de cette biographie et celle de Horst Althaus (1999), parue dans la revue Nuit Blanche [1]

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